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Devenir qui je suis par la pratique du tai chi chuan

Tai chi - devenir qui je suis -Posture de l'arbre - Eric Caulier

Devenir qui je suis s’est révélé être le sens de ma vie.

Tai chi chuan et anthropologie

Les pratiques conjointes du tai chi chuan et de l’anthropologie m’ont permis de retrouver le chemin du retour vers moi-même. Pour moi, ces deux praxis sont à la fois des sciences, des arts et des expériences intérieures. Toutes deux visent à comprendre les interactions de l’être humain avec ses environnements sociaux et cosmiques (corps taoïste), culturel et naturel (anthropologie).

Dans la pratique du tai chi chuan, nous commençons par copier le mouvement extérieur. Ensuite, nous imitons sa dynamique intérieure.  Finalement, nous initions le geste à partir de notre coeur/esprit. Il y a un quart de siècle, je me suis trouvé immergé dans les cercles – académiques et traditionnels – de pratique des arts internes. Au beau milieu de l’Empire du Milieu, je n’avais alors qu’une idée vague de qui j’étais.  Je copiais, j’imitais ce que l’on m’incitait à imiter.

Le chemin pour devenir qui je suis

Aujourd’hui, après une route longue, balisée notamment par l’anthropologie, c’est ma voix qui commence à parler. Ma main commence à écrire mon histoire. Mon esprit commence à penser. Je n’ai fait qu’appliquer le projet d’un taiji authentique : devenir qui je suis.

Le débutant entrevoit la pratique du tai chi chuan comme la réalisation de formes préspécifiées. La plupart du temps, il ignore comment descendre dans ses profondeurs. Lorsqu’il a retrouvé le contact avec l’énergie vitale, il assiste émerveillé à l’émergence des formes. De même, le chercheur n’entendant que sa raison considère la vie comme un programme.  Par contre, celui qui écoute son intuition voit la vie comme un processus créatif. La fameuse phrase de Paul Klee nous fournit une clé : L’art ne reproduit pas le visible : il rend visible.

Le maître en tai chi chuan fait l’expérience de « devenir qui je suis ». Il ne cherche pas à reproduire des formes toutes faites.  Il s’ingénie de préférence à adhérer aux forces qui donnent naissance aux formes. Plutôt que de m’intéresser aux produits finis et aux états de la matière, je valorise l’expérience des processus de formation. J’accorde donc la primauté aux transformations des matériaux. Tout être humain vit dans un lieu et à une époque précise avec lesquels il tisse un contexte relationnel.

Intégration

Intégrer la posture de l’arbre, c’est s’enraciner dans le quotidien, c’est vivre debout, c’est être inspiré et inspirant, c’est s’ouvrir au monde, c’est ouvrir le monde. Pratiquer les formes, c’est dialoguer avec l’environnement, c’est le sculpter plutôt que gesticuler avec un décor de fond.

Jouer aux mains collantes, c’est se reconnecter au flux de la vie en collant au réel. Être tai chi, c’est (ré)écouter le monde plutôt que le forcer à parler, c’est apprendre à lire à nouveau le grand livre de la nature plutôt que d’acquérir une multitude de savoirs cloisonnés.

Transmettre le taijiquan, c’est se contenter de montrer les choses afin que ceux à qui on les montre puissent eux aussi développer ces capacités, c’est attirer leur attention afin qu’ils puissent découvrir et expérimenter par eux-mêmes, c’est leur confier des clés ouvrant les portes de la perception, c’est leur livrer des indices qui leur permettront d’accéder aux significations cachées derrière les apparences trompeuses.

Aller vers soi-même

Mon cheminement en tai chi chuan éclairé par l’anthropologie m’a fait prendre conscience que la seule voie possible, c’est d’aller vers soi-même. Toutes les autres sont des impasses. En allant vers moi-même, j’ai pu devenir qui je suis.

Je me rends compte également à quel point nous façonnons et sommes façonnés par notre environnement.

Édito revu Espace Taij n° 92

Crédit photo : Almereca