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Cognition incarnée – Une cognition située et projetée

La cognition a longtemps été pensée comme opérant dans la tour d’ivoire que serait le cerveau, le corps et l’environnement tenant un rôle secondaire. L’approche incarnée et située de la cognition défend justement l’idée d’une cognition enracinée (incarnée) dans nos interactions sensori-motrices présentes et passées avec notre environnement physique et social. Elle est « située » car elle ne peut être envisagée indépendamment des situations dans lesquelles elle prend naissance. Dès lors , c’est l’action (l’inter-action) qui est à l’origine de la cognition et oriente sa dynamique. Le monde ressenti (par opposition au monde physique) n’est pas pré-donné, mais au contraire projeté, ou énacté, dans une sorte d’espace-temps cognitif. Les auteurs – Rémy Versace, Denis Brouillet et Guillaume Vallet – sont tous trois spécialistes du sujet 4me de couverture.

Représentations, simulation, et émergence pp. 162-170

Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre introductif, l’approche incarnée et située de la cognition remet en question le paradigme cognitiviste essentiellement au niveau de ses deux fondamentaux : la modularité de cognition et la nature strictement symbolique des représentations (…) l’ensemble de la communauté scientifique s’accorde avec Varela sur le fait que le monde tel que le ressent l’individu est issu des interactions entre l’organisme et son environnement, et que c’est de cette activité permanente qu’émerge le sens du monde et des choses (…)

C’est cette incarnation, ou projection, de l’organisme qui définit et limite l’expression de la cognition. Elle n’est pas issue d’une succession de traitements impliquant des modules spécialisés, périphériques ou centraux, elle est fondamentalement dynamique. la cognition émerge de l’état global du système et de ses modifications. En donnant un rôle central à la dynamique des interactions individu-environnement, l’approche « cognition incarnée » traduit en fait un véritable virage conceptuel, une révolution paradigmatique (…)

Il n’est donc plus nécessaire de supposer l’existence de représentations du monde servant de support au fonctionnement cognitif. Cela exige de redéfinir le support de la cognition, non pas en termes de représentations réactivables du monde, mais en terme de potentialités, de recréations ou de représentations du monde. Mais ce dernier n’est plus tout à fait un monde que l’on pourrait définir objectivement, il s’agit d’un monde beaucoup plus « subjectif » ou « situé ».

Ainsi, le sens du monde n’est pas représenté dans le cerveau : il n’a pas d’existence indépendamment de la situation ou de l’activité d’un individu (…) Le caractère dynamique et émergeant de la cognition fait que le sens du monde est totalement dépendant de nos interactions passées et présentes avec l’environnement physique et social (…) l’idée d’une cognition dynamique en perpétuelle construction et reconstruction suppose un prise en compte de la temporalité (…)

Les physiciens ont de ce fait réunit l’espace et le temps dans une structure appelée l’espace-temps. La vie est donc faite d’événements, associés à des actions impliquant des changements dans cet espace-temps, et ce sont ces événements, avant tout dynamiques, qui sont « représentés » dans les traces en mémoire. Seule une cognition incarnée et située peut donc rendre compte de l’émergence de l’espace-temps subjectif (…) il s’agit en fait d’un temps spacialisé, du produit la projection de la durée dans l’espace.

Caractère adaptatif de la cognition pp. 170-171

Une autre conséquence du virage conceptuel accompagnant l’approche incarnée et située de la cognition est que l’efficacité du fonctionnement cognitif ne doit plus être envisagé selon un critère d’exactitude, mais selon un critère d’adaptabilité. Une cognition efficace est une cognition qui permet la production de comportements pertinents dans une situation donnée, ceci en fonction, bien entendu, des buts poursuivis (…)

À propos de la mémoire, là encore, sa fonction première n’est pas de « récupérer » des connaissances du passé, mais de mettre en lien la situation présente, les intentions de l’individu et ses expériences passées. C’est en cela que la fonction première de la mémoire est de permettre l’adaptation à la situation présente et à l’activité engagée (…) Être capable de voyager dans le temps procure un avantage sociocognitif fondamental pour résoudre les défis des situations présentes.

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