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Le social et le sensible – François Laplantine

Dans Le social et le sensible (Téraèdre, 2009), François Laplantine nous rappelle que les dichotomies de l’intelligible et du sensible n’ont rien d’universel. Revaloriser le corps contre l’esprit ne suffit pas pour changer de modèle de connaissance. Pour lui, le sens, le sensible et le social sont interdépendants. Il nous encourage à être attentifs aux tonalités et aux intensités rythmiques.

Le social et le sensible - François Laplantine

Prologue

(…) les sciences humaines reposent encore sur un certain nombre de présupposés non questionnés (…). L’une des principales tâches de l’anthropologie – c’est même sa vocation – est d’effectuer une critique radicale de ces présupposés (…). Le véritable objet-sujet de l’anthropologie, c’est-à-dire de l’ethnographie, a toujours été les émotions. L’expérience du terrain est une expérience du partage du sensible pp. 10-11.

Le modèle chorégraphique

On ne peut construire une anthropologie du corps en termes topographiques, en termes par exemple de tableaux (…) mais chorégraphiques. Elle implique une pensée de la temporalité attentive aux modulations du sensible. Une pensée de la danse qui peut être ressentiment, vengeance, mais approbation de la vie (…) Nietzsche préconise un autre langage. Et cet autre langage, qui n’est plus celui de l’humiliation du corps et de la diffamation du réel, Zarathoustra l’annonce en dansant p. 43.

Supplices et délices du binaire, la dichotomie du sens et du sensible

L’élaboration des règles de la méthode (…) est clairement fondée sur l’élimination de la subjectivité. (…) Le sujet qui écrit un ouvrage ou un article scientifique devrait être absent de ce qu’il écrit. C’est comme si il n’y avait pas d’auteur (…) p. 46.

(…) nous avons été (dé)formés dans cette idée que la plus grande qualité du savant est le détachement p. 48.

Le mode de connaissance qui est celui de ce que nous proposons d’appeler une anthropologie modale est à l’oeuvre dans le cinéma depuis Murnau et Stroheim, pour lesquels le travail de construction du plan s’effectue dans un jeu alterné d’ombres et de lumières p. 60.

Serions-nous condamnés, faute de troisième terme, à l’inondation par les images ou à l’assèchement par les concepts, comment voulez-vous mourir ? p. 63.

L’obsession sémantique

Mais il convient aussi d’être attentif à ce qui ne relève pas seulement de configurations spatiales, de dispositions (de la place des uns et des autres dans un ensemble), de structuration dans un « champ » ou encore de croisements, mais de croissance, de maturation, de déclin p. 87.

Le sensible, le social, la catégorie et l’énergie

Si toute une partie de la culture grecque relayée à partir du XVIIIe siècle par le cartésianisme (…) constitue, à notre avis, un obstacle épistémologique à la compréhension du vivant dans sa temporalité (…). Le mérite de plusieurs philosophes présocratiques (…) a été d’introduire la notion de rythmicité dans la connaissance de l’univers p. 105.

C’est la pensée du rythme en tant que pensée de ce qui se forme, se déforme et se transforme et appelle, par conséquent, un mode de connaissance qui est celui du devenir. Dans ce mode de connaissance, les mouvements de flexion, de courbure, de tournure (tropè) sont plus pertinents que l’arrêt sur une position (thésis) affirmative ou négative, ainsi que la référence à un fondement dont la Grèce antique a été trop souvent créditée p. 108.

(…) La vie ne peut être appréhendée en termes de catégoricité, mais d’intensité et de modalités. (…) c’est l’importance de la notion de passage et de transition pour appréhender le vivant dont la caractéristique est la germination, la maturation, le vieillissement, le déclin et la mort p. 110.

Vers une anthropologie modale

Ce que nous mettons en question (…) une certaine fascination contemporaine provoquée par le mouvement pour le mouvement, ce que Peter Sloterdijk appelle l' »utopie cinétique ». (…) Dans un certain nombre de démarches se qualifiant elle-même d' »holistiques » (…), on assiste aujourd’hui à une « asiatisation » de la pensée, mais qui n’est souvent que désir occidentalisant d’un Orient fantasmé. À travers le désir parfois bêtifiant, mais presque toujours anhistoricisant de réintégration du cosmique dans l’expérience individuelle, pouvant aller jusqu’au fantasme du  « corps cosmique » doté d’un statut transcendant, ce n’est nullement le corps qui est revalorisé, mais encore et toujours le pur esprit p. 210.

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