Lien au travers des formes
Chaque posture du tai chi chuan provient de la posture matrice de l’arbre. Chaque mouvement de n’importe quelle forme de tai chi chuan est un savant dosage des énergies d’expansion/compression et de montée/descente. La pratique de n’importe quelle forme est alors vécue comme une expression particulière de ces formes-énergies primordiales. Chaque geste devient un subtil et savant dosage des forces premières.
Unité et multiplicité
Chaque enchaînement de mouvements permet alors de parcourir le trajet qui va de l’unité à la multiplicité et de la multiplicité à l’unité. Le pratiquant expérimenté perçoit en fait chaque posture comme une variante de la posture de l’arbre. Il ressent ainsi dans chaque mouvement les principes de la posture de l’arbre. Chaque geste devient alors une exploration des potentialités du tai chi chuan dans ses divers registres :
- étude du mouvement
- mobilisation du souffle
- développement de l’intentionnalité,
- résonance symbolique
- révélateur de modèles archétypaux.
Retisser du lien
« La fille de jade tisse et lance la navette » propose de retisser du lien. La continuité typique du mouvement tai chi (comme si on dévidait un fil de soie du cocon) fait redécouvrir l’impermanence des formes aussi contingentes qu’évanescentes, l’importance de la reliance. Les anciennes déesses tissant les fils de la vie – Parques, Moires et Nornes – ressurgissent. Elles rappellent que les tissus humains, sociaux et cosmiques sont parcourus par les mêmes énergies. Un même souffle anime en effet le corps humain, le corps social et le corps cosmique.
Percevoir la trame
Tous les grands classiques chinois, du Yi jing/ Livre des mutations au Huangting jing/ Livre de la cour jaune en passant par le Daode jing/Livre de la voie et de la vertu, révèlent les lois du monde. Le mot jing désignant à l’origine la trame d’un tissu est utilisé pour désigner les Écrits sacrés. Le taoïsme, ainsi que la physique quantique d’ailleurs, postulent une unité de l’espace et du temps, de l’énergie et de la matière et reposent sur une vision vibratoire et unitaire de l’univers intégrant l’être humain. Les mondes taoïstes et quantiques sont organiques, holistiques, écologiques, dynamiques et interactifs.
Nourrir la vie
Cette prise de conscience est indispensable pour mettre en œuvre l’objectif essentiel des arts internes chinois : yangsheng/nourrir la vie, la santé. Ces arts visent non pas à la perfection mais à la plénitude, à la complétude. Plutôt que de se projeter dans un ailleurs idéalisé, plutôt que d’(de s’) économiser pour un plus tard incertain, le tai chi chuan nous enseigne à vivre avec intensité l’instant présent, à accepter la part de l’ombre et à dire oui à la Vie.
Édito revu Espace Taiji n° 68
Crédit photo : Almereca