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Philosophie des images – Jean-Jacques Wunenburger

Les images, ces intermédiaires entre les choses et leurs concepts ont provoqué nombre de débats tout au long de l’histoire. Dans sa Philosophie des images (puf, 1997), Jean-Jacques Wuneburger rassemble une quantité et une qualité impressionnantes de matériaux et de références. Ceux-ci invitent à décrypter l’iconosphère qui encadre de plus en plus notre vie.

Philosophie des images - Wunenburger

La vie de l’esprit et de la culture est de nos jours marquée par l’omniprésence des images, qui fait dire que nous sommes contemporains d’une « civilisation de l’image » (…). L’image constitue en effet une catégorie mixte et déconcertante, qui se situe entre du concret et de l’abstrait, du réel et du pensé, du sensible et de l’intelligible. (…) l’image constitue une représentation médiane, médiatrice, qui collabore aussi bien à la connaissance du réel qu’à sa dissolution dans l’irréel p. XI.

Le monde des images

Il n’y a de représentation d’un objet sans la médiation corporelle des sens p. 9.

(…) toutes les activités physiques semblent conditionnées par une imagerie qui en assure un déroulement adapté ou harmonieux. (…) Développer un mouvement nécessite, en effet, une synthèse dynamique d’informations relatives aussi bien à la perception qu’à l’exécution et qui font appel à une sorte de figuration (…) la « figuration » est donc plus qu’une maîtrise technique du mouvement ; elle est avant tout recherche de correspondance entre forme et contenu, réalisation et idée (…). L’image devient donc une sorte de médium, de forme transitionnelle qui assure une liaison vivante dans le temps du corps, entre la structure qui contrôle l’équilibre des phases du déroulement moteur, et la variabilité qui rend possible une réinvention continue et plastique du mouvement pp. 14-15.

Penser en images

Pour certains interprètes, d’ailleurs, la connaissance imagée, loin d’être une activité marginale, accidentelle de la pensée, serait même susceptible de nous livrer un principe ou un moteur caché des activités de l’intellect. Dans ce cas, la question de l’image oblige à reconsidérer l’essence même des processus cognitifs, à envisager l’existence d’une pensée figurative, d’un intellect poétique, d’une imagerie symbolique, etc. p. 199.

(…) on rencontre des images dont la charge informative exige une approche interprétative (…) Telle est la catégorie des images symboliques (…) Dans le symbole, le lien signifiant-signifié fait appel à un métalangage qui enrichit le sens propre d’un sens figuré. (…) l’image symbole comporte une juxtaposition de deux niveaux de signification, un littéral et un figuré, un sensible et un intelligible, dont le premier appelle le second. (…) Le passage d’une image à une autre n’est donc pas le résultat d’une libre invention poétique, mais la découverte d’une liaison, d’un rapport adhérent, qui prend appui sur un ordre cosmologique ou métaphysique p. 207.

Vivre par l’image

Ainsi le mensonge devient l’attribut par excellence de l’art de gouverner, parce que l’image se révèle plus efficace dans ses effets que la réalité. (…) Ainsi toutes ces pratiques et ces interprétations se rejoignent dans la description d’une puissance trompeuse de l’image qui parvient à imposer aux esprits des croyances en des formes et des normes, sans fondement raisonné p. 256.

La symbolique politique renvoie elle-même à la sphère du religieux (…) Le recours à la pensée symbolique dans la plupart des traditions culturelles, se greffe sur l’exploitation d’une sensibilité sacrale (…) le sacré est bien une représentation propre de l’imagination symbolique p. 288.

Conclusion

L’image, au même titre ou mieux encore que le concept, permet de poser des questions de philosophie première sur l’être et le non-être, le Même et l’Autre, l’Un et le Multiple, le vrai et le faux, et pas seulement sur le réel et l’irréel, sur le rêve et les oeuvres d’art. Bien plus, ces questions trouvent dans les images un point d’ancrage d’une grande pertinence. Loin d’être par conséquent une représentation de deuxième ou de troisième ordre, vouée à réfracter faiblement les vraies questions, l’image constitue une matière première pour tout questionnement sur les principes et les fins p. 294.

Placer l’image au coeur de l’esprit est peut-être alors le meilleur moyen pour comprendre ses activités (…) prendre en compte et en charge la nature imagée de l’homme, c’est-à-dire l’homme imageant (…) L’image comporte certes toujours un risque de fausse pensée ou de fascination inquiétante pour l’agir (…) il convient peut-être de trier pépites et ordures (…) parier sur la promesse que l’image, mieux peut-être que la sensation ou le concept est, sous certaines formes et à certaines occasions, invitation à une pensée profonde. Alors ce qui apparaît de plus extérieur peut nous convertir à ce qu’il y a de plus intérieur. L’image constitue le miroir par excellence de la vie de l’esprit p. 296.

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