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Accorder son corps, s’accorder au monde par le tai chi chuan

Corps accordé par le tai chi chuan

Le corps au coeur de la recherche

Nous communiquons par le langage mais aussi et surtout par le corps. Aujourd’hui, en anthropologie, le corps est au coeur de la recherche. Il n’y aurait de vraie connaissance que par corps. Si le monde contient les sujets sociaux, ceux-ci contiennent le monde dans leurs corps. Les connaissances pratiques sont transmises par mimétisme. Conservées dans la mémoire du corps, elles permettent de s’adapter aux différentes situations de la vie.

Les récentes recherches sur les neurones miroirs ont montré que la reconnaissance des autres personnes, de leurs actions et de leurs intentions dépend de nos propres capacités motrices. Les normes institutionnelles, les valeurs sociales, ainsi que les relations de pouvoir s’incorporent principalement par mimétisme. Pour s’exercer et se reproduire, les hiérarchies complexes du pouvoir n’ont pas besoin de lois extérieures. Elles s’encodent dans les normes sociales somatiques. En tant qu’habitudes corporelles, généralement tenues pour acquises, elles échappent à la conscience critique et sont rarement remises en question.

Prendre soin de son corps

Aujourd’hui l’image du corps et les injonctions de « bien être » sont omniprésentes. Cependant, ne nous leurrons pas. Il ne s’agit, en effet, souvent, que de changements de surface mis en scène par la société du spectacle. Ceux-ci sont par ailleurs caractéristiques d’un libéralisme économique débridé créant de faux besoins.

Mieux connaître et mieux prendre soin de son corps, c’est-à-dire de soi pour vivre plus intensément et plus amplement est le projet mélioriste du CAP (Centre d’Actualisation du Potentiel). L’outil/le moyen proposé est un tai chi chuan qui plonge ses racines dans les anciennes pratiques taoïstes tout en s’enrichissant des éclairages scientifiques les plus contemporains.

Une approche simple

Cette expérience de quelques décennies de pratique, de recherche et d’enseignement se traduit par la mise en évidence de quelques postures, mouvements et principes d’une simplicité déconcertante. Comment se tenir debout, marcher, bouger, toucher l’autre et être touché par l’autre, intégrer le monde en s’intégrant au monde de manière naturelle (avec liberté, ressenti, conscience et efficience).

Lorsque, dans nos interventions en ergonomie, nous accompagnons des opérateurs sur les chaînes de montage automobile, devant l’évidence de ce que nous les amenons à vivre, beaucoup nous disent : « pourquoi est-ce qu’on ne nous l’a jamais dit/montré », « pourquoi, est-ce que l’on n’enseigne pas cela à nos enfants à l’école ? ».

C’est aussi l’interrogation de Louis Landuyt, artiste lyrique, pédagogue et aujourd’hui pratiquant de tai chi chuan. Comme lui, j’ai vu nombre de jeunes musiciens « enfermés » dans leur corps. J’ai aussi constaté les conséquences de cet enfermement. J’ai vu par ailleurs les souffrances physiques et psychiques occasionnées. Lorsque, nous faisons entrevoir un autre usage du corps et de soi, nous percevons une lueur, issue d’un instant de lucidité. Celle-ci est aussitôt suivie par une immense terreur, celle de la remise en question. La facilité, c’est très difficile.

 

Édito revu Espace Taiji n° 91 (1ère partie)

Crédit photo : Almereca