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Tai chi chuan : entre clans et institutions

Tai chi chuan : entre clans et institutions

Des origines très anciennes

Les « techniques de recueillement », mélange d’arts martiaux et de pratique de longue vie font partie du fonds culturel chinois. L’éthique des arts martiaux vise à développer une rectitude face à l’adversité. L’un des chefs-d’oeuvre de la littérature romanesque chinoise (Au bord de l’eau)  fut écrit au XIVème siècle. À partir de traditions orales, il raconte les exploits de cent huit brigands/héros luttant contre la corruption des fonctionnaires. La Chine possède elle aussi ses mousquetaires et ses Robin des bois. Se développant à l’origine dans des clans et appartenant à une contre-culture, le tai chi chuan est aujourd’hui standardisé, institutionnalisé, marketé.

Une pratique mondialisée

La boxe du faîte suprême est apparue en Occident dans la mouvance du Nouvel Âge. Celui-ci se caractérise par : 

  • la recherche de bien-être
  • l’attrait de l’exotisme
  • la redécouverte du corps
  • la quête d’états de conscience élargis
  • la maîtrise de l’énergie
  • le désir d’harmonie avec la nature

À l’Ouest également, le tai chi chuan des premiers temps s’oppose à la culture dominante de dressage des corps et des esprits. Après la phase de déni et celle de dévalorisation (dérision, ironie, sarcasme), vient le moment de la récupération.

Le tai chi chuan, aujourd’hui mondialisé, bénéficie de supports institutionnels importants. L’entretien et l’amplification d’images traditionnelles agrandies et retouchées nourrissent nos imaginaires tandis qu’une cohorte d’arguments scientifiques nouveaux conquièrent nos raisons. Après l’expérience « Shaolin », la Chine multiplie ses « grandes surfaces » dédiées aux arts martiaux (Chenjiagou et Wudang). Elle reproduit à l’infini la formule « Tigre et Dragon » (film réalisé par Ang Lee sorti en 2000). Une pléthore d’études plus scientifiques les unes que les autres déclinent les innombrables effets du tai chi chuan sur la santé.

Déconstruire pour mieux comprendre

Mon expérience du tai chi chuan m’a appris à suivre la propension des choses mais aussi à comprendre le mode de fonctionnement des choses. Le nei gong (oeuvre intérieure) nous sensibilise à la puissance de l’imagination créatrice. La poussée des mains nous apprend à écouter, suivre, assimiler et répondre. Si nous suivons et adhérons, ce n’est pas pour cautionner, mais pour trouver les veines de moindre résistance et transformer.

Dans mon enseignement, je déconstruis les postures trop affirmées et désajuste les comportements figés. Je démonte les visions dogmatiques et fais voler en éclats les trop belles images. Je relativise les multiples approches platement hygiénistes. La santé, selon moi, ne provient pas d’un comportement modèle dans un environnement modèle. D’autant plus que ces modèles sont édictés par des experts gestionnaires habitués à « nettoyer le réel ».

Retrouver son pouvoir d’agir

Une certaine approche du tai chi chuan vise à acquérir non pas une santé au rabais, mais la grande santé en :

  • retrouvant son pouvoir d’agir 
  • se branchant sur le trésor d’images que recèle notre corps 
  • transformant ce que l’on fait d’habitude et par habitude 
  • retrouvant le plaisir d’échanger des ressentis 
  • partageant nos réflexions avec des connaisseurs d’horizons différents

Notre tai chi chuan est une méthode de désinscription des emprises, un art de l’allégement qui intègre la gravitation et se décharge de la gravité des choses. Nous ne détenons pas de secrets si ce n’est celui d’éviter les multiples guichets interdisant, réservant et exploitant les voies d’accès à l’intériorité et au sacré. Nous touchons et nous nous laissons toucher par le Dao.

Édito revu Espace Taiji n°83